mardi 14 juillet 2009

L'Histoire des 20ème et 21ème siècles iraniens



Cet article a été écrit en s'inspirant et paraphrasant à chaque point les ouvrages cités à la fin du point, sous la forme "(référence pour tout le point x): ....)". Il est donc le plus objectif possible (dans le sens où l'auteur n'exprime jamais rien de lui-même et où les ouvrages ont des auteurs d'opinions variées) et a été écrit dans l'unique but de concrétiser sur internet l'histoire du 20ème siècle iranien en synthétisant les ouvrages les plus respectés sur le sujet pour ne pas à ce que le lecteur ait à lire des vingtaines de livres pour pouvoir enfin se faire une idée.


La Révolution Constitutionnelle de 1906, les Pahlavi, Reza Shah, Mossadegh, le Coup d'Etat de 1953, le Shah, la Révolution Islamique de 1979, la République Islamique




1) La Révolution constitutionnelle de 1906:


Ce fut un événement exceptionnel pour son temps et pour sa région. En effet, une Révolution dans le but de faire des pas vers le démocratie dans une région tout sauf démocratique à cette époque n'a été vue qu'en Iran (appelé Perse à l'époque). Le but de cette Révolution était de transformer la Monarchie absolue en Monarchie constitutionnelle.


Le pouvoir gouverné par la dynastie Qajar s'appuyait sur toutes les classes dirigeantes de chaque région. C'est à dire la noblesse, les chefs de tribus, les gouverneurs, etc.

En 1905, le pouvoir Qajar était devenu très faible et ne cessait de faire des concessions aux pouvoirs étrangers, telles que la concession d'Arcy.


A cette époque, les deux grandes puissances à exercer une certaine domination sur l'Iran étaient la Russie et la Grande-Bretagne. Devant le gain de pouvoir croissant de ces pouvoir étrangers, les nobles, les gens éduqués, une partie du clergé commencèrent à vouloir avoir leur mot à dire dans ces affaires.


Dans ce début de 20ème siècle, les révoltes contre le despotisme de l'Etat se suivirent en séries. Finalement, c'est en 1906 que le Roi Mozaffareddin Shah Qajar accepta de créer une Constitution et de créer un Parlement élu par le peuple (un Majles). Le pouvoir royal et celui du clergé furent ainsi limités et un système semi-démocratique et parlementaire fut établit.


La Constitution fut inspiré de la Constitution belge de l'époque.

Les élus représentaient par groupes chaque classe de l'époque: Les Princes Qajar, L'Aristocratie, les Religieux, les Marchands, les Agriculteurs, les Artisans et Magasiniers.


Après le couronnement du nouveau Roi Mohammad Ali Shah, celui-ci décida de ne plus respecter le pouvoir du Parlement et d'aller à l'encontre de la Constitution. Le clergé le suivit.


En 1907, les ambassades Russe et Britannique firent un pacte où ils se partageaient l'Iran en deux zones d'influence.


Suite à la pression du Roi Mohammad Ali Shah Qajar et du clergé, l'assemblée constituante (parlement) fut obligée de rajouter le 7 octobre 1907, des lois valorisants la religion musulmane.


Plus tard dans l'année, Mohammad Ali Shah ordonna le bombardement Parlement.


S'en suivirent des révoltes dans tout le pays contre la tyrannie. Les tribus tels que les Bakhtiaris (dirigés par Samsam Saltaneh et Sardar Asad) avancèrent vers Téhéran tout en s'emparant de chaque ville par lesquelles ils passaient (pour les rendre Constitutionalistes).


Les Russes signalèrent aux combattants pour la liberté de Gilan de ne pas essayer d'avancer vers Téhéran. Ceux-ci ignorèrent les menaces et rejoignirent les tribus Bakhtiari près de Téhéran. Ainsi, les quelques 3000 hommes menés par Sardar Asad et Mohammad Valikhan Tobekaboni entrèrent la capitale (Téhéran) et furent accueillis par tous les sympathisants de la liberté sur place.


En 1909, Téhéran était contrôlé par les Constitutionalistes combattants de la liberté. Les forces Russes suivis du Roi et de sa bande se réfugièrent en Russie.


En même temps, l'Assemblée Nationale (Parlement, Majles) suite à une réunion spontanée mit de côté le Roi et couronna son fils: Soltan Ahmad Shah Qajar.


S'en suivirent d'importantes décisions du Parlement, parmi celles-ci, nous comptons:


Durant le 7ème tour du Parlement, celui-ci interdit toute traite d'esclaves à l'intérieur du territoire iranien.

Durant le 8ème tour du Parlement, celui-ci décida que le commerce avec l'étranger ne se ferait qu'après la décision du gouvernement (démarche vers l'indépendance).

Durant le 9ème tour du Parlement, la création de l'Université de Téhéran


La Révolution Constitutionnelle permit à certaines personnes de basses classes à accéder à des postes hauts placés. Reza Pahlavi bénéficia de cette contribution. Il accéda au poste de Premier ministre grâce à sa bonne manière de gouverner et devint pour finir roi.


La Révolution Constitutionnelle permit aussi aux femmes de jouer un plus grand rôle social. Beaucoup de mouvements féministes se créèrent grâce au et pendant le mouvement constitutionnel. Les associations féministes furent pour finir dissoutes par Reza Shah Pahlavi.


En 1925, le Parlement vota pour l'abolition de la dynastie Qajar et le couronnement de Reza Pahlavi, devenu le Roi Reza Shah Pahlavi, premier Roi de la dynastie Pahlavi (1925-1979).


La Révolution Constitutionnelle fut un événement donnant un certain pouvoir au peuple, réduisant le pouvoir du Roi et du Clergé, malgré des articles de la Constitution s'approchant de l'islamisme mais qui avaient été imposés par les ennemis de la constitution et du constitutionalisme: l'Ayatollah Nouri et ses partisans et l'on voit que ces articles ne sont que rajoutés suite à leur pression dans la révision de la Constitution le 7 octobre 1907. La révolution constitutionnelle avait donc réussi à affaiblir l'incassable alliance Roi-Clergé qui a presque toujours existé dans l'histoire iranienne (pas sous Reza Shah). Elle a aussi réduit la mainmise étrangère sur le pays. A part certaines sources extrémistes pahlavistes, tout le monde s'accorde sur cela. D'ailleurs, Reza Pahlavi, l'actuel héritier du trône Pahlavi qualifie la Constitution de 1906 "d'essence démocratique" et la Révolution constitutionnelle "d'événement amenant un système démocratique en Iran".


(référence pour tout le point 1) :

Ramine Kamrane, le vingtième siècle iranien, Editions Kimé, Paris, 2007, 365 p.)



2) Mossadegh, sa vie personnelle, ses opinions, sa personnalité, sa lutte, sa biographie


S'il y a bien une personnalité qui est respectée par la majorité des Iraniens et dont la popularité n'a pas bougé, c'est bien celle du Dr. Mohammad Mossadegh, considéré comme "le père de la nation iranienne".


Né en 1882 d'une famille aristocratique, il fit ses études en France et en Suisse et est souvent considéré comme l'homme politique le plus savant de cette époque. Il passa sa licence en droit à Dijon et son doctorat à Neuchâtel.


Il fut éduqué autour d'une phrase de sa mère: "La valeur d'un homme dans la société dépend de tout ce qu'il est prêt à donner pour les autres". Celle-ci avait fondé le premier et seul hôpital gratuit de cette époque.

Il se battit aux côté des constitutionalistes en 1906 pour la démocratisation de la Monarchie, le passage de la Monarchie absolue à la Monarchie constitutionnelle. Durant la période constitutionnelle, il occupa plusieurs postes de haut fonctionnaire et fit parti du parlement.

C'était l'un des rares Iraniens à connaître la loi internationale et les principes fondamentaux de la démocratie. Il avait lu Montesquieu, les Encyclopédistes.


Elu au Parlement, lui seul se montrait capable de parler avec compétence, sans faille, de la démocratie et de la souveraineté populaire, de la séparation des pouvoirs et du rôle exact du roi dans une monarchie constitutionnelle.


Il voulait la démocratie à tout prix, ce qui occasionna dés les premiers jours des heurts avec Reza Shah (premier des deux Rois de la dynastie Pahlavi, dernière dynastie avant la chute de la monarchie suite à la révolution de 1979).


Ce que les Iraniens ignoraient totalement alors, Mossadegh l'a expliqué dans des discours qui sont devenus célèbres et ont servi de base à tout ce qui se faisait en Iran en faveur de la démocratie. Il expliquait le mécanisme de la démocratie et ou commence la dictature. Tant qu'on ne changea pas les urnes avant le dépouillement, comme cela se fit quelques années après, il était toujours élu en tête de liste et on ne pouvait rien faire contre lui.


Mossadegh avait un total manque d'intérêt pour son aspect extérieur. Tout le temps qu'il fut ministre ou député, il n'accepta pas un sou de l'Etat. Sur son ordre le traitement mensuel qui lui revenait était distribué aux étudiants pauvres de la faculté de droit.

Il ne se servait pas de la voiture de fonction mise à sa disposition, se déplaçant dans sa vieille automobile personnelle. Il payait de ses deniers ses gardes et son personnel. C'est chez lui que se tenait le Conseil des ministres; il ne quittait presque jamais sa maison, craignant d'être tué par les Frères musulmans, qui sont devenus la lie de l'humanité.

C'était une maison d'une propreté exemplaire, mais ne contenant ni une statue, ni cristal, ni argenterie. Les 24 soldats qui la gardaient était logés et nourris par lui.


Dans sa chambre, il n'avait presque pas de meuble. Une petite table avec une statuette de Gandhi et des photos d'étudiants morts lors de manifestations en sa faveur.

Il avait également une très grande armoire remplie de médicaments. C'est lui qui se chargeait d'en fournir aux gens du village, même après la Réforme agraire, et chaque vendredi, qui est jour férié, son fils médecin venait l'aider à les soigner.


Derrière son lit, il avait une porte dissimulant une biotherme (sorte de chauffe-eau immense fonctionnant à l'essence, très répandu dans l'Iran de l'époque). Elle lui était inutile, mais il l'avait installé afin que les campagnards puissent venir laver leur linge en bas.


Epris d'un grand esprit altruiste, typique de l'éducation de la haute société de l'époque, lorsque le roi décida le Réforme agraire, il appela ses enfants, auxquels il avait légué tout son bien quelques années avant sa mort, et leur tint ce langage:

- Vous allez me rendre tout ce que je vous ai donné.

Il écrivit ensuite au directeur en charge pour ces questions de venir le voir:

-Monsieur, dit-il, je veux vous donner ce que je vous dois selon les lois que vous avez promulguées. Faites votre compte.

-C'est en fonction des impôts que vous avez payés les trois dernières années, répondit le fonctionnaire.

Alors, sous les yeux stupéfaits de celui-ci, l'ancien premier ministre alla chercher dans son coffre les reçus des impôts qu'il avait réglés au cours des 23 années précédentes. Le visiteur n'était pas revenu de sa surprise qu'un nouveau sujet d'étonnement se présentait: Mossadegh avait payé sa dette de l'Etat d'une façon si scrupuleuse qu'il était certainement un des plus gros contribuables d'Iran. Sa nouvelle participation en fut d'autant plus élevée.


A sa mort, Mossadegh avait exprimé le désir d'être enterré à côté des martyrs du 30 Tir: les hommes morts le jour où, sous la poussée du peuple, il revint au pouvoir en 1952. Son fils fit part à Hoveyda, alors premier ministre, de cette dernière volonté. A son habitude Hoveyda transmit la demande au roi et le roi chargea Hoveyda de répondre: Non.


Mossadegh était un nationaliste, démocrate, monarchiste, libéral, laïque, pro-américain (tous ces points seront explicités ci-dessous).


(références pour tout le point 2) :

Chapour Bakhtiar, Ma Fidélité, Albin Michel, Paris, 1985
et les écrits d'Ardeshir Zahedi:

http://www.aryamehr.org/eng/19august/28mordad.htm)



3) Mossadegh, la dissolution de la dynastie Qajar, la montée au pouvoir de la dynastie Pahlavi



En 1925:


Quand le Parlement vota pour l'abolition de la dynastie Qajar et la montée au trône de Reza Shah de la dynastie Pahlavi, Mossadegh vota contre. Il faut savoir que dans une Monarchie constitutionnelle, démocratique (comme en Espagne et Angleterre actuelles), le Roi a un rôle symbolique et ne joue aucun rôle dans le gouvernement, dans la politique du pays. Ce rôle est laissé au Premier ministre (qui a le rôle qu'a le Président dans une République).


L'argument extrêmement rationnel de Mossadegh qui le poussa à voter contre la montée au pouvoir de la dynastie Pahlavi, était le suivant:

"Reza Shah gouverne très bien le pays et il faut donc qu'il continue à le faire. Pour cela, il doit rester Premier ministre. S'il devient Roi, soit il respecte le principe de Monarchie démocratique, constitutionnelle, et il ne doit pas gouverner, et cela serait dommage. En revanche, s'il se décide à gouverner en tant que Roi, il deviendra par définition un dictateur, et nous nous sommes pas tant battus en faveur de la démocratie pour avoir encore une fois un Roi dictateur."


(référence pour tout le point 3) :

Katouzian Homayoun, Musaddiq's Memoirs: The End of the British Empire in Iran, 1988)



4) Le règne de Reza Shah Pahlavi



Reza Shah Pahlavi fut couronné en 1925, à son arrivée au pouvoir, l'Iran était au bord de la division entre Russes et Anglais, le pouvoir central n'avait pas réellement de "pouvoir" et chaque partie de l'Iran était contrôlée par une bande.


Reza Shah renforça l'armée pour favoriser la force et l'unité de la nation iranienne contre les puissances étrangères.

Peu après le coup d'état le menant au pouvoir, la Perse et la Russie soviétique signaient un pacte de non-agression et d'amitié qui abolissait les privilèges et capitulations stipulés par les conventions antérieures. Les clauses du traité anglo-iranien de 1919, qui n'avait jamais été ratifiées par le Parlement, furent officiellement dénoncées.

Des chefs de certaines tribus, propriétaires d'actions de l'Anglo-Iranian Oil Co, étaient chargés en échange, d'assurer l'ordre et la sécurité dans les régions pétrolifères. Reza Shah racheta les actions et soumit les tribus une à une, dans les Centre, le Sud et le Sud-Ouest.


Les droits de douane appartenaient aux Belges, la gendarmerie était contrôlée par les Suédois. Il n'y avait de banques que russe, anglaise et ottomane. Sans compter que les Britanniques conservaient d'autres monopoles tels que l'émission des billets de banque, le télégraphe, etc. Reza Shah abolit tout cela.


En 1926-1927 est introduit en Iran un système judiciaire sur le modèle français. L'instauration de l'enseignement primaire obligatoire et laïque est entreprise, malgré la pénurie des maîtres compétents. Les attributions juridiques parfois inquisitoriales du clergé se trouvèrent ainsi supprimées.

Reza Shah décida que les citoyens abandonnent définitivement le costume oriental, leur large pantalon, leur turban et leur bonnet et pour les femmes, il interdit le voile. Tout cela modernisa la mentalité.

Il commença à bâtir des villes, à construire des écoles, la première université, des hôpitaux, des fabriques, des routes, des ports, les premières centrales électriques, avant d'avoir une monnaie nationale, des billets de banque émis par la Banque Nationale d'Etat et garantis par le gouvernement.

Reza Shah fut un dictateur qui prôna le progrès pour le pays et qui modernisa et développa véritablement le pays. Sa politique avait comme priorités l'industrialisation, les droits des femmes l'éducation.


Il ne tolérait cependant aucune opposition. Il lui arrivait d'aller à une certaine heure dans un ministère, d'ordonner à ce que l'on ferme les portes et d'exécuter tous fonctionnaires qui n'étaient pas présents. Une anecdote célèbre est l'épisode où il enferma un boulanger dans son four parce qu'il n'avait pas donné le pain au quartier.


Il dut abdiqué en 1941 car ses liens commerciaux avec le régime Nazi dérangeaient les Britanniques. Il mourut en exil (comme tous les rois que l'Iran a eu ces dernière 150 années qui furent soit tués, soit moururent en exil, à part Mozafareddin Shah: le roi qui signa la Constitution de 1906 et proclama la monarchie constitutionnelle: le seul roi démocrate).


Son fils lui succéda donc le 26 septembre 1941. De 1941 à 1953, l'Iran était plus ou moins une démocratie parlementaire.


(références pour tout le point 4):

Mohammad Reza Pahlavi : Réponse à l'histoire. Éditions Albin Michel, 1979, rééd. 2000, et

Gérard de Villiers, The Imperial Shah: An Informal Biography, Little, Brown 1976)


5) La Nationalisation du pétrole:



années 1940:

Dans les affaires concernant le pétrole, devant les prétentions des Russes à obtenir une concession dans le nord sous prétexte que les Anglais en avaient une au sud, Mossadegh a exposé sa théorie de "l'équilibre négatif". Le principe était de donner moins à l'une des deux puissances étrangères pour donner moins à l'autre. Cela était d'une grande finesse politique, car les agents de l'URSS ne pouvaient s'opposer au projet de loi qui en découla sans favoriser les Anglais, l'inverse était également vrai.


Jusqu'en 1951:


Les Britanniques étaient les seuls bénéficiaires du pétrole iranien. Tous les contrats bouclés jusqu'à lors ne menaient à rien pour le peuple iranien. A chaque fois que l'Iran faisait un pas, la Grande-Bretagne en faisait dix.

Reza Shah, après avoir mis un scénario en place pour faire croire que les Iraniens allaient jeter les Anglais dehors, aboutit à une situation qui augmentait le baril de quelques centimes et ne levait pas l'hypothèque.


Mossadegh bouillait; opposé aux Russes, il ne voulait pas non plus des Anglais, mais il n'avait aucun mandat pour contrecarrer la reconduction d'un traité, meilleur que le précédent certes, toujours astreignant néanmoins en ce qui concernait l'avenir.

Mossadegh devait par conséquent agir du dehors; il entreprit quelques-uns de ces députés, leur fournit des arguments, leur fit partager sa conviction. Mossadegh a proposé une loi selon laquelle le pétrole serait nationalisé; la recherche, le raffinage, l'exploitation seraient confiés à l'Iran. Il s'adressait à Attlee, premier ministre britannique, qui avait nationalisé dans son pays les industries lourdes: "Il faut être logique. Vous l'avez fait chez vous, pourquoi n'aurions-nous pas le droit de le faire en Iran ?".


Le projet de nationalisation eût directement comme adversaires les communistes, bien qu'il correspondit à leurs conceptions dans tous les pays du monde. Ils disaient: vous n'avez pas le droit de nationaliser, abolissez seulement les accords avec les Anglais.


En 1951:


Il faut noter qu'après que les Britanniques aient mis Reza Shah Pahlavi de côté et le forcèrent à s'exiler en faveur de son fils, ils mirent en place la monarchie constitutionnelle parlementaire et veillèrent au respect de la démocratie (imparfaite certes) qui marchait plutôt bien jusqu'en 1953. On avait donc un retour à un parlement qui fonctionne et à une démocratie plutôt respectée. C'était sous les idées et influences anglaise que les racines démocratiques commencèrent par la révolution constitutionnelle en 1906, c'est par l'influence anglaise également que ce mouvement prit fin en faveur d'une dictature. C'est à nouveau sous l'influence anglaise que Reza Shah partit du pays et que le retour de la démocratie était assuré. C'est de nouveau sous l'influence anglaise que cette démocratie réinstallée par les eux-mêmes fut de nouveau ôtée en 1953.


Mossadegh présenta la loi de nationalisation du pétrole au parlement. Elle passa à l'unanimité. Mossadegh devint premier ministre un mois après.


Il est totalement faux de dire que Mossadegh n'acceptait aucun compris, était têtu et voulait absolument les Anglais hors d'Iran face à un Shah diplomate qui voulait y aller pas par pas. Effectivement, Mossadegh demanda aux dirigeants de l'Ango-Iranian (principale société de pétrole) de venir à Téhéran faire des propositions s'ils en avaient à formuler: la loi serait appliquée, mais elle était susceptible de certains accommodements. Il acceptait notamment que le directeur-gérant de la Compagnie fût un Anglais et que tous les Britanniques employés par celle-ci y demeurassent comme fonctionnaires.


Ce n'est donc pas Mossadegh qui s'est montré intraitable, mais les Anglais. Mossadegh disait: "vous voulez être servi les premiers, nous accepterons; pas question de vous donner une indemnité pour manque à gagner, cependant nous sommes prêts à vous indemniser pour les installations que vous avez faites."

Le premier ministre, voyant que les Anglais étaient intraitables et n'avaient l'air d'accepter aucun compris, devina que la situation se compliquerait s'ils restaient sur place. Il envoya alors un message au directeur général de la Compagnie pétrolière à Abadan: "Vous avez une semaine pour vous déclarer fonctionnaire de la Société Nationale Iranienne de Pétrole. A défaut de quoi je me verrai dans l'obligation d'annuler votre carte de séjour."

L'Angleterre, en échange, envoya un bateau de guerre en proférant des menaces, mais ce petit monde quitta l'Iran jusqu'au dernier homme.


L'Iran était donc devenu maître de ses richesse naturelles. Le problème de la part de Mossadegh vint d'une erreur de calcul. Mossadegh était bien le premier ministre le plus pro-américain que l'Iran n'avait jamais eu et jusqu'au bout il n'accusera jamais grandement les Américains pour le Coup d'Etat de 1953 qui va le destituer. Les Américains avaient coutumes de se montrer fermes envers les Anglais en ce qui concernait leur impérialisme: ils n'appréciaient pas la politique expansionniste des Anglais qui allaient chercher des colonies partout. Mossadegh comptait sur eux pour soutenir l'Iran et acheter son pétrole.



6) Le Coup d'Etat pour destituer le premier ministre démocratiquement élu dérangeant aux intérêts Britanniques



Mossadegh comptait donc sur les Américains et pensait que ceux-ci collaboreraient avec l'Iran pour acheter son pétrole nationalisé. Cela aurait pu être vrai, si les Britanniques n'avaient pas bien réussi leur coup: ils savaient que pour les Américains, il y avait problème où il y avait communisme. Or le problème était qu'en Iran, communisme il n'y avait pas. Juste un aristocrate libéral profondément attaché à la propriété terrienne et donc contre le communisme. Ils durent donc inventer toute une histoire comme quoi le gouvernement Mossadegh favorisait les communistes et allait leur faire prendre le pouvoir.


Les agents Anglais montrèrent aux Américains les photos de leurs agents qui étaient sensés être des soldats communistes à la frontière prêts à attaquer l'Iran. Les Américains, embobinés par cette stratégie, crurent donc qu'il y avait un véritable danger imminent de la prise du pouvoir du communisme en Iran. Ils investirent alors des millions pour fomenter un Coup d'Etat en Iran (Kim Roosevelt, chef de la C.I.A. au Moyen-Orient, avouera qu'un chèque d'un million a été investi en Iran, chèque déposé par un certain Barner et montré par Mossadegh durant son procès).


Le pétrole iranien était donc boycotté de tous les côtés et les caisses de l'Etat se vidèrent. Mossadegh, voyant que le monde boycottait l'Iran, a appliqué une politique de "économie sans pétrole" qui était une idée très juste: c'est le pétrole qui est l'une des raisons de tous les malheurs de l'Iran depuis un siècle. Mossadegh voulait se tourner vers la production interne du pays et créer une économie véritable et non une économie tournant autour de la fainéantise qu'apporte la simple vente du pétrole contre de l'argent. On ne lui laissait pas concrétiser ce projet. Malgré cela, pendant son gouvernement, on importait à 10% tandis que l'exportation non-pétrolière représentait 90%, la balance commerciale s'élevait à +43 milliards. Sous le gouvernement du Shah qui suivit, on importait à 85% et l'exportation non-pétrolière s'élevait à 15%, la balance commerciale s'élevait à -34 milliards.


Le Shah ne voulait pas non plus signer ce Coup d'Etat, c'est après pression qu'il le fit, lui aussi tombant dans le piège croyant que les agents anglais étaient des soldats communistes. Il signa une feuille vide avant de partir en voyage, sur laquelle les Britanniques purent inscrire ce qu'ils voulaient.


Selon leurs documents officiels publiés après le Coup d'Etat, ils payèrent des morveux de bas quartiers Téhéranais pour se révolter contre la dynastie Pahlavi et le Roi. Sous l'ordre des Anglais, ceux-ci renversèrent les statuts du Shah et de son père Reza Shah. Ils publièrent également des documents proclamant "une république populaire d'Iran". Mossadegh, apprenant cela, fit supprimé ces documents et ordonna un 18 août d'arrêter les manifestations.


En effet, Mossadegh était monarchiste et tenait à cette institution, encore plus que les Pahlavi eux-mêmes, étant donné qu'il s'était battu pour la Monarchie constitutionnelle, et il rappelle tout le temps que l'Iran a besoin d'un monarque car celui-ci symbolise l'unité du pays et Reza Shah était un républicain forcé à devenir monarque. Mossadegh parle au Shah et au sujet du Shah avec le plus grand respect, et le considère vraiment comme son Roi. Dans un discours resté célèbre en 1950, il avait dit: "Nous sommes pour le Shah et il est de notre devoir de le faire aimer du peuple."

Son entourage rapporte qu'il leur rappelait toujours: "Chaque fois que vous allez chez le roi, vous devez faire la courbette" et il y veillait.

A son âge il s'astreignait, lorsqu'il allait au palais, à parcourir à pied la montée de quelque 500 mètres. Le roi insistait pour qu'il vînt en voiture. Mossadegh répondait: "Pour que demain n'importe quel petit morveux de directeur traverse la cour en trombe ?" Pour lui, le respect de la personne du roi devait être cultivé.


Mais voilà, les Britanniques continuaient à semer la pagaille. L'Angleterre envoya ses agents aux USA pour parler de la situation. Il faut savoir que Truman et son administration étaient contre une quelconque intervention en Iran, il est donc faux d'en vouloir aux "Américains" pour le Coup d'Etat, ce n'est qu'une administration, opposée à d'autres, qui décida celui-ci.



7) Démission de Mossadegh / rappel de Mossadegh par le peuple / Mossadegh se réserve le portefeuille de la Guerre / Mossadegh dissout l'assemblée / le Shah présente à Mossadegh le décret pour le démettre que celui-ci refusera



1952:


Le Shah avait choisi des éléments perturbateurs dans l'armée qui préparaient le terrain pour un coup d'état militaire. Suite à cela, Mossadegh démissionna: "je veux être un premier ministre qui a la confiance du roi".

Ghavam devint premier ministre, mais le peuple se révolta pour demander à ce que Mossadegh revienne. L'armée tirait mais il n'y avait rien à faire, les rues étaient pleines et ne se vidaient décidément pas. Le Shah rappela donc Mossadegh. Celui-ci se réserva donc cette fois le portefeuille de la guerre et contrairement à des rumeurs propagées, ce n'était pas dans le but d'avoir le plein pouvoir mais dans le but de mettre des gens dignes de confiance dans l'armée, qui n'allaient pas faire un coup d'état, c'est d'ailleurs pour cela que le plan B de l'opération Ajax (nom de l'opération de coup d'état dirigé par les Britanniques et la C.I.A., le plan B = il faut faire un coup d'état militaire) ne marcha pas. Il mit donc dans l'armée des gens non suspects et qui avaient également la confiance du Roi.


Le Japon et l'Italie acceptèrent d'acheter le pétrole iranien mais les autres se débrouillaient pour que le pétrole n'atteigne jamais son but dans les eaux internationales. Les Britanniques ne voulaient véritablement pas lâcher l'affaire.


Dans les procès internationaux entre l'Iran et l'Empire britannique qui se déroulèrent une fois à la Cour Internationale de Justice de La Haye et une fois aux Nations Unies à New York, la justice donna à chaque fois droit à l'Iran (défendu par le Dr. en droit Mossadegh).


1953:


En mars, Mossadegh se rendit chez le Shah qui disait qu'il voulait partir en vacances. Ce n'est donc pas Mossadegh qui demanda au Shah de partir en vacances (cela faisait parti de l'opération Ajax que de faire croire que Mossadegh forçait le Shah à s'exiler, et donc légitimiser la racaille payée pour sauter sur Mossadegh à sa sortie du palais en leur donnant l'argument fabriqué que "Mossadegh vire le Roi du pays"): Mossadegh dit qu'il était essentiel pour le Shah de rester en Iran pendant cette période de crise où le monde boycottait l'Iran. Il finit par accepter sa décision et quitta le palais. Dés lors, quelque 5000 racailles des quartiers malfamés payés par les services secrets étrangers (événement reconnu maintenant par les gouvernements du monde libre mais toujours considéré par certains pahlavistes comme "un événement populaire spontané") encerclèrent Mossadegh et sa bande dans le but de le tuer. Mossadegh parvint à s'échapper. C'était la première tentative de coup d'état.


Facile à comprendre que tout cela avait été fait avec l'accord du roi, qui suite à cette "révolte populaire" décida de rester en Iran. Depuis ce jour, Mossadegh n'a donc plus confiance au roi. C'est Sa Majesté qui cassa cette confiance.


Les agents britanniques étaient partout et les membres du Front National (parti de Mossadegh) votant contre les intérêts du Front National ne sont qu'une preuve pour montrer qu'ils avaient infiltré le Parlement. Mossadegh décide donc de proposer le projet de la dissolution du Parlement, au peuple. Ce n'était donc encore une fois pas dans le but d'avoir les pleins pouvoirs mais dans le but de favoriser le bon fonctionnement de la démocratie dans le pays perturbé par des agents britanniques. Suite à un référendum, le peuple vota pour la dissolution du Majles (Parlement). On peut reprocher cette décision (de proposer ce référendum) à Mossadegh, car ce fut sa seule décision pas constitutionnelle. Mais contrairement à ce que certains disent, cette décision n'était pas anticonstitutionnelle mais tout simplement pas prévue par la constitution.


Mossadegh ordonna par la suite que l'on organise des nouvelles élections pour reformer le Parlement.


Suite à cela, le Shah décida de destituer le premier ministre. Beaucoup de pahlavistes ou autres font l'erreur de croire que ce décret royal destituant le premier ministre était constitutionnel. Cela est faux: il y a en effet un article dans la Constitution qui dit que le Roi peut mettre et démettre un premier ministre par décret. Cependant, pendant le quatrième tour du Parlement, Soltan Ahmad Shah avait utilisé ce droit pour destituer le premier ministre Samsam Saltaneh et placer Vosuq-ed-Dowleh à sa place. Suite à cela, le parlement et le peuple montrèrent leur désaccord et les experts constitutionnels se mirent d'accord qu'à partir de cet instant, le parlement devait voter pour décider s'il acceptait la décision du Shah. Or, ce n'est pas ce que le Shah a fait. D'ailleurs, les documents de la C.I.A. concernant ce décret parlent de "Plan A de l'opération Ajax pour former le coup d'état, quasi-légal". Le Shah envoya un militaire au plein milieu de la nuit chez Mossadegh avec des tanks et des soldats armés jusqu'aux dents pour lui présenter ce décret, non-confirmé par le Parlement. Mossadegh appela ses gardes et leur demanda "d'arrêter ce morveux". La deuxième tentative de coup d'état avait donc échoué.


C'est suite à cela que les Britanniques commencèrent à agiter la foule pour faire enlever les statuts des Pahlavis. Ils payèrent des gens en mal d'argent pour le faire et déclarèrent que "les communistes avaient enlever les statuts des Pahlavis, la monarchie est prête à tomber et à céder à une république communiste !", tout cela afin de fidéliser encore plus le Shah et les USA à l'idée qu'il fallait absolument renverser le gouvernement Mossadegh. Les Britanniques payèrent aussi des soi-disant partisans de Mossadegh pour qu'ils sèment la pagaille et menacent les autres partisans afin que ceux-ci deviennent des opposants.



8) La Réussite du Coup d'Etat et Conclusion



Après cela se créa une révolte considérée comme "populaire" par beaucoup de pahlavistes mais que les documents officiels de la CIA publiés ont montré qu'il n'en n'était rien. Des mollahs, des membres du clergé, des racailles des bas-fond de Téhéran (dont le célèbre leader Shaban Jafari, connu sous le nom de Shaban "Bimokh"= Shaban le sans-cervelle) et des militaires corrompus mis à la retraite par Mossadegh à cause de leur manque d'éthique, voilà de quoi étaient composés les gens payés par les gouvernements étrangers (selon leurs propres documents et les propres propos des leaders "populaires" de la révolte, tels que Shaban Jafari) pour mener la révolte. La racaille fit tout pour que Mossadegh abandonne. Son chef de la police, le général Afshar-Toos, fut capturé et torturé à mort.

Bref, même si les militaires payés par les gouvernements étrangers prirent en otage les stations de radio de Téhéran pour faire la propagande, que Mossadegh fut jugé dans un tribunal militaire et que ce fut un militaire qui prit le pouvoir après le Coup d'Etat (Zahedi), ce ne fut donc pas un Coup d'Etat militaire mais un Coup d'Etat "populaire".

Mossadegh fut arrêté et jugé pour "trahison", ce qui augmenta d'autant plus sa popularité, étant donné que tout le monde vit comme il se défendit au tribunal et qu'il avait raison dans l'affaire. Malgré cela, on l'envoya en prison et il passa le reste de sa vie en résidence surveillée, à regarder les murs vides, comme il l'écrivit dans ses mémoires.


Fazlollah Zahedi devint Premier ministre. Le Shah rentra en Iran. Un consortium fut conclu que le Shah rompra en 1973. Les vainqueurs se partageaient le gâteau (les revenus du pétrole): 40% pour les Anglais, 40% pour les Américains, 14% pour les Hollandais et 6% pour la France. L'Iran touchait quand même, sous forme d'impôts, la moitié des bénéfices.

Cet accord était inférieur aux conditions proposées à Mossadegh et que Mossadegh n'avait déjà pas accepté. Les partenaires ne voulaient pas proposer plus qu'ils n'avaient accordé à l'Arabie Saoudite et à l'Irak, pour montrer que Mossadegh avait eu tort de se dresser contre l'Empire britannique et de prétendre briser les reins d'une puissance qui dominait la région depuis deux ou trois siècles.

Cela aurait été un mauvais exemple pour l'Egypte ou la Syrie.



En résumé:


Mossadegh nationalisa le pétrole iranien. Cela était contre l'avantage de l'Etat britannique, car c'était celui-ci qui récoltait tous les bénéfices du pétrole avant la nationalisation. Les Britanniques décidèrent donc de faire tomber le gouvernement Mossadegh. En payant de la foule misérable, ils créèrent des révoltes contre Mossadegh. En même temps, ils créèrent des révoltes contre le Shah et en faveur du communisme afin de faire adhérer le Shah et les USA à la nécessiter de renverser Mossadegh. Ceux-ci embobinés s'allièrent aux Britanniques. Les foules misérables furent payés par les Britanniques et les Américains pour aller dans la rue et crier contre Mossadegh, créant l'apparence d'une "révolution". Celui-ci fut arrêté par des militaires et mis en prison.


On verra en 1956 Nasser nationaliser le canal du Suez en disant: "J'ai appris cela de Mossadegh."


(références pour les points 5) 6) 7) 8) :

Stephen Kinzer, All The Shah's Men: An American Coup and the Roots of Middle East Terror, John Wiley & Sons, 2003;

Chapour Bakhtiar, Ma Fidélité, Albin Michel, Paris, 1985;

Le documentaire "End of an Empire" par la télévision Granada et les documents de la C.I.A. trouvables sous plusieurs liens dont:http://web.payk.net/politics/cia-docs/

et http://www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB28/

ainsi que dans l'article de James Risen apparu dans le New York Times en 2000:http://www.nytimes.com/library/world/mideast/041600iran-cia-index.html)



9) Les Décisions, Réformes et Avancées du Gouvernement Mossadegh


A part la lutte pour la nationalisation du pétrole, Mossadegh entreprit des réformes visant à améliorer la vie des couches modestes, réformer l'économie et la restructurer pour mettre fin à sa dépendance envers les revenus pétroliers, renforcer la société civile. Il fit augmenter la part des métayers sur les produits de la terre et créa la sécurité sociale, lança la construction de maisons pour les couches modestes et créa une "Banque de Construction" pour relancer le secteur du bâtiment et la "Banque d'exportation" pour soutenir les exportations non-pétrolières (qui atteignirent d'ailleurs un record pendant son gouvernement).

Il réforma enfin le code électoral et saisit l'occasion pour permettre pour la première fois aux femmes d'élire leurs représentants et de se faire élire dans les élections des conseils municipaux et régionaux (craignant une trop forte réaction des religieux, il n'étendit pas e croit aux élections législatives).


(référence pour tout le point 9) : Ramine Kamrane, le vingtième siècle iranien, Editions Kimé, Paris, 2007, 365 p.)



10) Les Décisions, Réformes et Avancées du Shah après le coup d'état de 1953:



Le Shah était un nationaliste, aimait l'Iran, les Iraniens, a fait beaucoup pour les deux, a développé le pays lui valant d'être mis au stade des plus grands modernisateurs de l'histoire. Il a également sorti l'Iran de l'ombre et lui a donné un nom respecté sur la scène internationale, une personne possédant un passeport iranien n'avait pas besoin de visa pour voyager et était accueilli partout avec le plus grand respect, même avec une certaine admiration. Sous son règne, le taux d'alphabétisation est passé de 20% à 75%, le nombre d'écoliers et d'étudiants de 400'000 à 10'000'000, il donna aux femmes le droit à l'avortement et aux méthodes de contraception, la scolarisation devint obligatoire et gratuite pour filles et garçons, etc. On lui a également accordé trop de morts sur la main, le nombre de personnes exécutés pendant ses 38 ans de règne ne dépasse pas au plus 2000 (ce que la république islamique tue en 6 mois). Sa fortune était également nettement exagérée, il n'était pas bien plus riche qu'un millionnaire américain.


(références pour tout le point 10) :

Mohammad Reza Pahlavi : Réponse à l'histoire. Éditions Albin Michel, 1979, rééd. 2000;

Reza Pahlavi, l'Iran, l'heure du choix, entretiens avec Michel Taubmann, Denoël, février 2009, 254 p. et

Chahdorrt Djavann, A mon corps défendant, l'Occident, Flammarion, octobre 2007, 422 p.)



11) Du Coup d'Etat de 1953 à la Révolution de 1979:



Le Shah et Mossadegh:


Le Shah ne supportait pas Mossadegh et ses partisans et ce fut l'une des raisons qui menèrent à la Révolution de 1979 (car cela mena le Shah à refuser la participation de l'opposition pro-Mossadegh au gouvernement, ce qui aurait sûrement canaliser l'opposition et elle n'aurait pas eu à soutenir Khomeini). Jusqu'au bout, même dans sa "réponse à l'histoire" (livre écrit par le Shah après la révolution et juste avant sa mort), il continuera à traiter Mossadegh des mots les plus insultants, tandis que Mossadegh gardera le respect pour "Sa Majesté" jusqu'au bout.


Cela venait de la personnalité du Shah. Les gens qui l'entouraient et qui le critiquent actuellement sont unanimes: le Shah était quelqu'un de complexé et de jaloux. Fereydoun Hoveyda, le frère de celui qui avait été pendant 13 ans le premier ministre du roi, relate dans son livre "la Chute du Shah" toutes les occasions où son frère lui a rapporté que le Shah en voulait à un tel ou un tel parce qu'il "ne lui avait pas baisé la main", parce qu'il avait complimenté sa femme plus que lui-même, etc.


Gérard de Villiers, romancier mais qui sous l'ordre du Shah écrivit sa biographie et le récit de son règne extrêmement subjectivement, rapporte les aventures du Shah au Rosey. Celui-ci était arrivé avec le torse bombé et s'énerva lorsque les étudiants civilisés du Rosey qui voulurent lui laisser une place où s'asseoir en criant dans un anglais terrible: "depuis quand l'on ne se prosterne pas devant le prince couronné d'Iran ?!?!". Tout le monde se mit à rire et s'en suivit une bagarre dans laquelle le Shah fut humilié. Par la suite, son meilleur ami, au plein milieu de pleins d'enfants de bonnes familles, devint en fin de compte le fils du jardinier, qu'il ramènera avec lui à Téhéran et qui fut l'un de ses plus proches conseillers.


Le Shah avait besoin de gens bons à se prosterner devant lui et à lui embrasser la main tout en étant toujours d'accord avec lui. C'est pour cela qu'il s'entoura de gens sans éthique et de gens sans caractère tels que le premier ministre Hoveyda, qui ne savaient pas dire "non".


Comme relaté auparavant, Mossadegh était l'un des hommes les plus savants, respectés, populaires, distingués de son époque. Il était né d'une famille aristocratique et avec un passé et de fortes racines en Iran tandis que le Shah était né et avait grandi dans la misère du quartier malfamé de la prostitution de Téhéran d'un servant qui avait réussi à se distinguer et qui grâce à sa force, son patriotisme et son ambition, était devenu premier ministre puis roi. C'est pour cela que le Shah se sentait petit face à Mossadegh et ne le supportait pas, et ne supporta pas ses partisans du Front National jusqu'à la dernière seconde où il nommera Chapour Bakhtiar premier ministre. En effet, il finira par renoncer à son obstination anti-mossadegh et à nommer un leader du parti de Mossadegh en tant que premier ministre (dernier) pour sauver la monarchie. Farah Pahlavi, l'épouse du Shah (la Shahbanou), avouera à Bakhtiar: "si mon mari vous avait fait premier ministre 3 mois auparavant, nous serions encore tous à Téhéran". Mais il traîna à le faire.


Le Shah sur son lit de mort, dans son livre "réponse à l'histoire" continuera à insulter Mossadegh des pires mots et à lui faire les accusations les plus perverses, cet acte radicalisa les tendances politiques et pro-Shah et pro-Mossadegh pendant plusieurs décennies et empêcha une union de l'opposition au régime islamique.


Les Héritiers de Mossadegh:


En ce qui concerne les héritiers de Mossadegh après sa mort, il faut savoir que, contrairement à ce que certains ultra-anti-mossadeghistes disent, la révolution de 1979 n'est en rien une conséquence de Mossadegh. Des gens comme Bazargan, Sanjabi, Forouhar, mais surtout Banisadr, etc. qui participèrent à la révolution de 1979 et qui contribuèrent à l'avènement de Khomeini et de la dictature des mollahs n'étaient pas de la ligne de pensée de Mossadegh, contrairement à ce qu'eux-mêmes revendiquaient. Mossadegh était, comme vu plus haut, monarchiste. Il était également séculaire, contrairement à ce qu'une petite poignée de menteurs ultra-anti-mossadeghistes disent. En effet, Mossadegh avait refusé à Bazargan le poste de ministre de la culture, car selon lui, il mettrait des "voiles à toutes les filles dans nos écoles".

Les gens de la révolution de 1979 se réclamant de Mossadegh se sont battus contre la monarchie et pour un gouvernement religieux. Voilà pourquoi en réalité, ils ne représentent en rien Mossadegh. Le seul digne héritier de Mossadegh fut le dernier premier ministre du Shah Chapour Bakhtiar.


Celui-ci fit tout pour sauver l'Iran du chaos, fit le premier à dénoncer Khomeini et ses hommes, pendant que les autres opposants étaient bien silencieux dans cette période trouble qu'était 1979: http://www.youtube.com/watch?v=pGtDJMM2L5U Il finit par donner sa vie pour la liberté en 1991, quand les agents du régime l'assassinèrent.


Khomeini était d'ailleurs un fervent partisan de l'Ayatollah Nouri et se réclamait de sa ligne d'idées. Nouri étant l'un des principaux leaders contre le mouvement constitutionnel de 1906 (dont Mossadegh faisait partie), Khomeini et ses alliés représentaient donc les héritiers des anti-constitutionalistes de 1906 (les mêmes qui avaient imposé des lois quasi-islamistes à la révision de Constitution de 1906 le 7 octobre 1907, malgré le désaccord des constitutionalistes) et donc de l'anti-mossadeghisme également.


Pourquoi, anti-mossadeghistes extrémistes, vous acharnez-vous à rabaisser Mossadegh en propageant des mensonges infâmes et ridicules (mossadegh interdit la vente d'alcool (!), était islamiste, etc.) ? Dans cette tâche, dans laquelle vous ne serez d'ailleurs pas vainqueurs, vous ne faîtes que créer de la haine en vous attaquant à un personnage, à tort ou à raison, considéré comme un héros parmi les Iraniens. Vous divisez l'opposition unie contre le régime actuel qui représente la majorité des Iraniens et vous ne faîtes que rouvrir les vieilles blessures pourtant presque cicatrisées et rendez ainsi une grande partie des mossadeghistes de plus en plus anti-shah et ôtez tout potentiel de confiance de leur part au fils Reza!


Les causes de la Révolution islamique de 1979:


Malgré toutes les avancées de son pouvoir, le Shah enleva aux Iraniens leur liberté politique. Il interdit tous les partis politiques et créa un parti unique, le Rastakhiz. Selon lui, tous les Iraniens devaient en faire partie et ceux qui n'étaient pas d'accord étaient "gentiment invités à remettre leur passeport et à quitter le pays". Ainsi, il obligeait lui-même les Iraniens à être soit à 100% pour lui soit à 100% contre, il ne laissait pas le choix. Cette attitude gâcha toutes ses avancées et son bilan positif, car il ne laissait pas les gens l'apprécier tout en étant critique envers lui, il fallait soit être pour soit être contre. Sa police secrète la SAVAK exécutait et torturait des opposants. De plus, le fait qu'il avait décidé de ne pas seulement régner mais aussi gouverner lui imputa la responsabilité de ses actes. C'est à dire que si l'on était contre la politique menée, il fallait être contre le gouvernement. Dans une monarchie constitutionnelle, cela aurait voulu dire le premier ministre et son cabinet, et les gens auraient tout simplement manifester leur mécontentement en se rangeant derrière un autre parti politique que celui du premier ministre afin de lui enlever son pouvoir et de voter pour un premier ministre menant une politique différente. Par contre, dans une monarchie autoritaire où c'est le roi lui-même qui gouverne, cela voulait dire le roi lui-même, étant donné que le gouvernement c'est lui. Voilà les raisons qui menèrent les gens à devenir contre la monarchie entière (même s'ils s'en mordirent les doigts par la suite et regrettèrent de ne pas avoir écouter Bakhtiar, le monarchiste démocrate qui les avait prévenus de tout).


Le seul groupe que le Shah ne réprimera pas sera le clergé. Pas étonnant que les gens se mirent derrière celui-ci pour se révolter en 1978-'9. On était arrêté pour assister à des meetings pro-Mossadegh mais valorisé quand on allait à la mosquée, qui recevait énormément d'argent du Shah, il s'agissait des seuls endroits où l'on pouvait parler de politique librement. Pas étonnant que les religieux ont pris le pouvoir ! Sous le règne du Shah, on construisit plus de mosquées que pendant toute l'histoire iranienne. Ce Shah qui prétendait avoir aperçu des Imams de l'Islam chiite, avoir été sauvé par l'Imamzadeh Abolfazl quand il était en train de tomber d'un cheval (le même Abolfazl qui est supposé pourtant ne pas avoir de mains), avoir vu marcher dans le palais le fantôme d'un Imam avec une oréole, etc....


Si le Shah avait laissé, comme le demandaient à la base les opposants, la création de partis politiques pour pouvoir canaliser l'opposition, personne n'aurait eu à suivre Khomeini et à se révolter en 1979, ce qui mena à la dictature totalitaire et sanguinaire que connaît l'Iran depuis 1979.


En même temps, les "intellectuels" iraniens firent un très mauvais calcul. En tant qu' "intellectuels", ils auraient du croire au fameux principe qui dit que la Religion et l'Etat ne doivent pas être mélangés. Ils se trompèrent aussi en croyant que l'alliance derrière un religieux en faveur de la chute complète de la monarchie et la radicalisation de leurs idées mèneraient à quelque chose de mieux que le régime Pahlavi. Ce fut bien le contraire.


La seule personnalité qui était clairement opposée et à l'autoritarisme du Shah et à la montée d'une dictature sanguinaire et qui défendit la monarchie et la démocratie jusqu'au bout fut Chapour Bakhtiar, le dernier premier ministre du Shah.


Shapour Bakhtiar:


Il est né en 1914 d'un noble de la tribu Bakhtiari et d'une fille de Samsam-Saltaneh (chef de la tribu Bakhtiari et deux fois premier ministre pendant la période constitutionnelle) près d'Isfahan. Sa mère mourut lorsqu'il avait 7 ans. Il reçut son baccalauréat d'une école française de Beirut au Liban et son doctorat en sciences politiques de la Sorbonne à Paris en 1939.


Farouche supporter de la liberté et opposé à toute forme de dictature, il rejoint des organisations qui luttaient contre les fascistes et Franco en Espagne. Dans la même optique, il rejoint ensuite volontairement l'armée française (bataillon d'Orléans) pour se battre contre les Nazis en Allemagne et défendre la liberté en France.


De retour en Iran, il rejoint le gouvernement Mossadegh et devint directeur général du travail pour la région du Khouzestan avant de devenir secrétaire d'Etat au travail. Après la chute de Mossadegh, on lui proposa de devenir Ministre du Travail et il refusera de collaborer avec le gouvernement du Coup d'Etat. Bakhtiar dénonça "l'ignoble coup d'état de 1953" et passa au total 6 ans dans les prisons du Shah à cause de son opposition à sa politique. Il fut arrêté la première fois pour avoir écrit "le Roi n'a pas le droit de régner et de gouverner à la fois; cette dualité est contraire à la Constitution", la raison de son arrestation était la première partie de la phrase: "le Roi n'a pas le droit", mais enfin, le Roi a tous les droits !... Il devint l'un des dirigeants du Front National (parti politique de Mossadegh, illégal).


En fin 1978, le Shah décida enfin d'appeler un premier ministre qui était de l'opposition pro-Mossadegh pour essayer de redresser la situation. Bakhtiar accepta le poste, tout en étant traité de traître par les autres du Front National. Il était malheureusement trop tard. Farah Pahlavi l'impératrice, avouera à Bakhtiar, comme vu plus haut, que si son mari l'avait mis au poste 3 mois plus tôt, la révolution n'aurait pas eu lieu.


Bakhtiar fut extrêmement courageux et visionnaire. Il était le seul à prévoir haut et fort le chaos que créerait et la dictature que serait une "république islamique". Bakhtiar créa la liberté de presse, dissout la SAVAK (terrifiante police secrète de l’Etat), libéra les prisonniers politiques, garantit des élections libres, permit la liberté de presse.


L'idée d'un gouvernement islamique fut mise en question et le projet de Khomeini fit pour la première fois l'objet de discussions et de critiques publiques et le contenu de son manifeste politique le velâyat-é faqih (une sorte de Mein Kampf islamiste) commença à susciter des inquiétudes. Bakhtiar ordonna de ne plus payer les grévistes qui avaient jusque-là continuer de toucher leur salaire (!).


Malheureusement, les gens pris par "la folie Khomeini" ne virent pas qu'il fallait suivre cet homme si l'on voulait un Iran libre.

Khomeini promit "de rendre l'eau et l'électricité gratuite", de laisser la création de partis politiques et de ne pas rentrer dans le jeu politique (tout ce qu'il ne fera pas).


L'armée déclara sa neutralité face à un Khomeini populaire et au côté religieux des généraux qui prit le dessus. Bakhtiar stupéfait commente: "La neutralité entre quoi et quoi ? Entre la légalité et l'anarchie ? Entre la justice et le chaos ? Entre la liberté et la dictature ?"


C'est ce jour là que le gouvernement Bakhtiar et la monarchie constitutionnelle prirent définitivement un terme. Bakhtiar s'énerva de cette décision car il comptait sur l'armée pour calmer la foule et restaurer l'ordre. Il ne restait plus personne au palais, il était tout seul à défendre encore la monarchie et les libertés. Il fut obligé de fuir tout en étant le dernier à quitter le navire et le jour même, une bande de religieux et de racailles entrèrent où il résidait et détruisirent tout, nul doute qu'ils l'auraient tué aussi, Khomeini ayant déclaré une fatwa contre lui et voulant l'exécuter.


Pour s'enfuir, il se laissa juste pousser une petite barbiche et mit des lunettes de soleil. Il se fit passer pour un employé d'Air France. Dans l'avion, il s'assit à côté d'un jeune iranien qui avait ouvert un journal où se trouvaient une photo et de Bakhtiar et une de Bazargan (le premier président de la république islamique, ensuite opposant à Khomeini). Bakhtiar demande au jeune "qui sont ces deux hommes?" et celui-ci répondit "celui de droite était le dernier premier ministre de la monarchie, un homme très droit, très honnête et extrêmement courageux. L'autre c'est Bazargan, le nouveau président. Il est un peu mou mais il est encore tôt pour le juger."


Bakhtiar créa à Paris le mouvement de la résistance nationale. Ce parti regroupait des partisans de Mossadegh et du Shah qui étaient pour la démocratie et la laïcité, donc contre la république islamique. En 1980, Bakhtiar organisa le coup d'état Nojeh où il mobilisa les militaires restés loyaux à la monarchie à renverser le gouvernement islamique et bombarder la maison de Khomeini. Le projet fut démantelé et les militaires tous exécutés.


Bakhtiar lui échappa à une tentative d'assassinat de la part d'agents de la république islamique en 1980 qui tua un policier et une voisine.


Ils finiront par l'avoir en 1991. Ils entrèrent dans sa maison et s'emparèrent d'un couteau de sa cuisine pour le couper en morceau.


Pour les Persanophones, voilà un excellent et triste documentaire en 2 parties où Bakhtiar raconte les derniers jours de la Monarchie:


partie 1: http://www.youtube.com/watch?v=tObnPqLfdSI&feature=related


partie 2: http://www.youtube.com/watch?v=uizAPYz7RAg&feature=related


(références pour tout le point 11) :

Ramine Kamrane, le vingtième siècle iranien, Editions Kimé, Paris, 2007, 365 p.;

Iman Ansari, Patrick Germain. Mon père, mon frère, les Shahs d'Iran. Entretiens avec le prince Gholam Reza Pahlavi. Éditions Normant 2004;

Chapour Bakhtiar, Ma Fidélité, Albin Michel, Paris, 1985;

Les écrits de Daryoush Homayoun: http://www.d-homayoun.net/English/The%20Party.htm;

Stephen Kinzer, All The Shah's Men: An American Coup and the Roots of Middle East Terror, John Wiley & Sons, 2003;

Gérard de Villiers, The Imperial Shah: An Informal Biography, Little, Brown 1976

Fereydoun Hoveyda, La Chute du Shah, Editions Buchet/Chastel, 1980, 242 p.)


12) La République Islamique, 1979-...



Quand Khomeini prit le pouvoir, il installa une dictature totalitaire, il commença à exécuter des fonctionnaires de l'ancien régime, continua par exécuter les intellectuels qui lui permirent de prendre le pouvoir, et finit par le peuple lui-même, qui ne tardera pas à regretter la monarchie. Le propre petit-fils de Khomeini, Hossein Khomeini déclara en 1980: "la nouvelle dictature installée est pire que celles des Mongols et des Pahlavi réunis". Ce site donne quelques exemples de personnes tués par le régime à son début : http://impact.users.netlink.co.uk/namir/martyrs.htm et vous pouvez trouver un mémorial dans celui-ci où vous retrouvez les victimes du régime islamique avec les détails: http://www.iranrights.org , des milliers de personnes furent tués entre 1979 et 1980. Des milliers de gens du peuple furent tués sans raison juste afin d'installer la terreur et pour essayer de montrer que le régime était fort et qu'il fallait pas se manifester contre. Des gens furent tués pour avoir mangé dans la rue pendant le Ramadan, une professeur à l'université fut tuée pour avoir des livres de Flaubert chez elle sous l'accusation de "libéralisme".


Un autre exemple de cas typique:

"La victime avait été arrêtée lorsqu'elle rentrait chez elle accompagnée de son époux. Les gardiens de la révolution qui procédaient à une fouille de la voiture avaient demandé à voir le titre de mariage. Ne l'ayant pas sur lui, l'époux va chercher ce document alors que les gardiens de la révolution gardent sa femme. Au retour, le mari a un accident de voiture; il perd connaissance et est hospitalisé pendant 48 heures. A sa sortie de l'hôpital, il va à la recherche de sa femme. Son enquête le mène à la prison d'Evin où on lui annonce que sa femme a été exécutée le matin même, car personne ne l'avait demandée."


Un autre exemple de cas: le 5 mai 1979, un homme a été fusillé à Téhéran pour avoir couvert avec le bruit de l'échappement de sa motocyclette les détonations tirées par des "terroristes"


Khomeini déclara


"Nous estimons que ces criminels ne doivent pas être jugés. Ils doivent être tués. Je suis désolé de voir que l'Occidentalisme sévit encore parmi nous."


Le pire est qu'il ne s'agit pas une "simple" dictature où l'on réprime les gens se mêlant à la politique, mais une dictature totalitaire où l'on va toucher à la vie privée des gens: on leur comment il faut s'habiller (les femmes iraniennes, fans de la minijupe avant 79 et toujours à l'intérieur et à l'étranger furent obligées d'un coup à porter un manteau et un foulard sur la tête), comment il faut se comporter, ce qu'il faut manger, ce qu'il faut boire, etc.


Bref, ce fut le règne de la terreur. Pour détourner le regard de l'échec interne, le régime provoqua l'Irak en guerre en 1980. Khomeini appelait les chiites d'Irak (la majorité de la population) à se révolter contre Saddam et à rejoindre le régime islamique. Saddam fut obligé et en même temps profita de la faiblesse de l'Iran pour l'attaquer. De 1980 à 1988 ce fut une guerre sanglante entre l'Iran et l'Irak. Tout à l'avantage du régime islamique étant donné que cette guerre était une stratégie pour détourner le regard du peuple de l'échec interne et de dire "regardez, l'ennemi il est là-bas !". En 1988, le régime exécuta près de 300'000 opposants en quelques semaines.


Après la mort de Khomeini, Khamenei prit le pouvoir en 1989. La terreur continua, on tuait les opposants à l'extérieur du pays, bombardait les écoles juives en Amérique du sud, continuait à opprimer un peuple qui en a tous les jours de plus en plus marre du régime mais qui tient grâce à la répression. A noter que les élections présidentielles qui existent ne servent absolument à rien étant donné que les candidats sont filtrés et que de toute façon c'est le guide suprême qui décide de tout et qui doit donner son accord sur tout.


Depuis 30 ans, nous avons en moyenne 400 exécutions par année, l'interdiction d'absolument tout (écouter de la musique, s'habiller comme on veut, se promener, surfer sur internet, boire de l'alcool, se réunir, être amoureux, etc.) même s'il est presque impossible d'imposer tout cela à un peuple si avancé que l'Iran et qui est l'opposé de son régime, "tout est interdit mais tout se fait" selon la formule célèbre.


Le peuple iranien est exactement le contraire de son régime: pro-occidental, pro-américain, pro-démocratie, laïque, chaleureux, savant, courageux, intelligent, etc.


Le 9 juillet 1999, des étudiants protestèrent après que le régime ait fermé leur journal. Le soir même, des

miliciens du régime (Basijis) entrèrent dans les dortoirs étudiantines et massacrèrent des manières les plus sauvages les étudiants. Ils cassèrent des télévisions sur leur tête, utilisèrent toutes sortes d'objets pour tabasser les étudiants, et finirent par les jeter par les toits et fenêtres. Suite à cela s'organisèrent de violentes révoltes où des dizaines d'étudiants furent tués par le régime et des centaines blessés, ainsi que près de 2000 arrêtés et mis en prison. Les prisonniers subissent évidemment la torture et le viol régulier. Akbar Mohammadi mourut après 7 ans de torture. Ahmad Batebi devint l'icône de ces révoltes, il brandit le T-shirt ensanglanté de son ami et un journaliste du magazine Economist prit une photo en même temps. Ahmad Batebi fut arrêté, vécut la prison (ainsi que les tortures) pendant 8 ans avant de s'enfuir pour les Etats-Unis en 2008.




Dans un sondage fait en 2007 par "le Centre de Promotion de la Démocratie et des Droits de l'Homme", le peuple iranien avoua à près de 80% que s'il pouvait revenir en arrière, il ne soutiendrait pas la révolution de 1979.


En juin-juillet 2009, nous assistons à des révoltes violentes contre le régime et le peuple se fait enfin bien entendre internationalement (http://www.youtube.com/watch?v=tpRpKskkJaQ), suite à des "élections" qui ont été truquées. Des centaines de personnes ont été tuées dont Neda Agha-Soltan qui est devenu l'icône de ces révoltes: http://www.youtube.com/watch?v=MbVfs8N9-I4&skipcontrinter=1 . Des milliers de personnes furent arrêtés, torturés et violés en prison. Un garçon de 18 ans à Shiraz devint célèbre pour avoir été violée à plusieurs reprises par des miliciens du régime. Une jeune fille nommée Taraneh devint également connue pour avoir été violée à plusieurs reprises par les agents du régime.


Voici un très bon reportage (d'envoyé spécial sur france 2) résumant ces révoltes et les inspirations réelles du peuple:


partie 1: http://www.dailymotion.com/video/x9ot9u_env-special-l-iran-au-coeur-de-la-c_news

partie 2: http://www.dailymotion.com/video/x9othd_env-special-l-iran-au-coeur-de-la-c_news



Vive l'Iran libre.


(références pour tout le point 12) :

Ladan Boroumand et le Mouvement de la Résistance Nationale Iranienne, Iran : Plaidoirie pour les droits de l'homme, MRNI, 1982, 199 p.

Sondage du Centre pour la Promotion de la Démocratie et des Droits de l'Homme: http://www.cfpdusa.org/news.aspx?type=Analysis&id=24

Reportage "La Révolution Cannibale"

Reportage "L'Iran, au coeur de la contestation")






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